Lorsque Martin Thibault, sociologue du travail à l’université de Limoges, a entamé son enquête, Ouvriers malgré tout (Raison d’agir éditions, 2013), auprès des agents de maintenance de la RATP, l’entreprise lui a répondu qu’il n’y avait pas d’ouvrier chez elle. Souvent, les agents eux-mêmes ne se disaient pas ouvriers, jusqu’à ce qu’ils soient rattrapés par la réalité de leur métier – physique, répétitif, très encadré et exercé dans des hangars où il fait trop chaud ou trop froid. Dans les entrepôts de la grande distribution, même constat : ni les préparateurs de commandes ni les caristes ne se disent ouvriers. Et chez Amazon, les salariés sont des « associates ».
Intéressant cette volonté (délibérée) de faire disparaitre le terme d'ouvrier. Est-ce pour casser l'esprit de classe ? Un tel est "préparateur", tel autre est "associate", le troisième est "agent d'entretien" et personne ne se reconnait dans la catégorie unique d'ouvrier, dont ils reprennent pourtant toutes les caractéristiques.
Il faut sans doute aussi rapprocher ceci de... ce que l'on nous a appris à l'école. J'ai le souvenir très net de cours d’Histoire, d'économie... où l'on nous a expliqué que les ouvriers, y'en avait plus, c'était fini, maintenant on ne faisait que du "tertiaire" et du "service à la personne".
Ce sont avant tout des postes non qualifiés du secteur industriel qui ont disparu : en moins de quinze ans, l’industrie a perdu près de 1,4 million d’emplois. Mais si la figure mythique de l’ouvrier en bleu de travail sur une chaîne de production n’est plus centrale, les ouvriers ont investi d’autres secteurs : la moitié d’entre eux travaillent désormais dans le tertiaire, ils sont 15 % dans le bâtiment et, dans certains domaines, comme la logistique, leur nombre augmente.
La réponse est à chercher dans le corps de l'article : les ouvriers ne sont plus représentés (partis politiques, syndicats) en tant que catégorie sociale. Pire : on est désormais "précaires" avant d'être "ouvrier"...