Comme en 2005, alors que les émeutes qui répondent à la mort violente de jeunes issus des minorités visibles expriment la rage et l’aspiration à la reconnaissance des populations discriminées, on a pu observer le spectacle étrange d’un pouvoir et d’une éditocratie qui tournent et retournent dans tous les sens le mystère d’une révolte incompréhensible, mobilisant les formes les plus absurdes du déni pour cacher la faillite du modèle français. Pendant que l’ONU appelle la République à s’attaquer aux «profonds problèmes» de racisme au sein des forces de l’ordre, la majorité des acteurs politico-médiatiques continue à prétendre que «les enfants des quartiers difficiles (…) sont tous les filles et les fils de la République», et rejette du côté de l’extrême-droite une xénophobie qui s’incarne pourtant depuis des décennies dans la relégation des quartiers, dans un maintien de l’ordre à deux vitesses ou dans la dépolitisation des soulèvements.
A l’inverse de la mort de George Floyd, celle de Nahel n’aura apporté aucun élément de compréhension ni aucune prise de conscience des mouvements qui agitent le pays. En refusant de reconnaître l’existence du racisme français, solidement ancré dans la société par l’histoire coloniale, la bourgeoisie se condamne à regarder passer les trains. Comme après 2005, aucune réponse ne sera apportée à la colère des quartiers. La seule chose visible aujourd’hui est la force du déni, qui enferme le pouvoir dans une perspective répressive à l’israélienne et accentue la dérive des forces politiques vers l’extrême-droite.