Et si on arrêtait de s'exciter sur cette non-affaire ? Est-ce vraiment la DGCCRF qui est en cause dans cette histoire, ou bien le "professionnel du livre" anonyme, courageux et visiblement frappé par un accès de crétinisme ? Jusqu'à preuve du contraire, il n'est pas interdit de prêter des livres, entre particuliers s'entend. Après, qu'un intermédiaire touche une commission pour mettre en relation 2 particuliers qui veulent se prêter des livres ; c'est bien ? C'est mal ? Personnellement, je n'en sais rien. On est dans le flou actuel entourant des services comme Blabla car (plutôt qu'Uber) : la pratique en tant que telle (le co-voiturage pour Blabla car) n'est pas interdite, mais monétiser l'intermédiation pose question, et c'est légitime.
Mais... c'est tellement plus facile de faire un raccourci foireux du style "l'industrie du livre / la DGCCRF / Emmanuel Macron veut interdire le prêt de livres", hein... Pour l'instant, on ne sait rien. Même s'il est vrai que le signal envoyé est mauvais.
Car il est vrai que l'industrie (j'insiste sur ce mot) du livre à tout intérêt à ce que vous achetiez des livres plutôt que de vous les prêtez entre vous ; déjà qu'elle a du mal à pardonner à l’État la survivance de cette aberration : les bibliothèques... (oui, j'exagère... encore que...). Actualitté, après un article assez superficiel (https://www.actualitte.com/article/monde-edition/la-start-up-booxup-visee-par-une-enquete-de-la-brigade-de-repression-des-fraudes/60403), revient sur le sujet (https://www.actualitte.com/article/tribunes/preter-ses-livres-entre-epuisement-des-droits-et-remuneration-d-auteurs/60433) en abordant THE question : l'épuisement des droits : "Car derrière cette polémique en elle-même assez peu digne d’intérêt se dessinent des problématiques bien plus inquiétantes : la remise en cause régulière, quasi systématique, du principe légal de l’« épuisement des droits ». L’épuisement des droits permet à n’importe qui ayant fait acquisition d’un livre de disposer de sa copie selon sa volonté. Ainsi, l’acheteur pourra à loisir prêter, céder, voire détruire l’exemplaire en question sans craindre les foudres de l’État ou des industries. Ce droit est régulièrement rediscuté, dans la mesure où les transactions effectuées passé l’acte d’achat originel ne génèrent plus aucun bénéfice pour les primo-créateurs."
Je traduis : les éditeurs voudraient bien trouver un moyen de continuer à toucher du blé sur le livre après son premier achat. Sur le prêt, par exemple... Et c'est ça qui est très inquiétant au final dans cette histoire : on est en tain de voir apparaître dans l'univers du livre et de la lecture -et même pas de manière cantonnée au livre électronique- des questionnements qui ne se posaient jusqu'alors que pour la musique dématérialisée : pour faire simple, on voudrait bien, pour certains types d'objets "culturels", interdire à leurs possesseurs d'en faire ce qu'ils veulent après l'avoir acheté. C'est ainsi que l'on voit les DRM sur les CD, l'interdiction de fait de la revente des jeux vidéo d'occasion, et bientôt, peut-être, la taxation du prêt de livres ?
Une fois encore, on confond (sciemment) le droit moral de l'auteur sur sa création et le droit de l'auteur à une juste rémunération. Ce système à bout de souffle va bientôt taxer certains mots (au hasard : Alphabet ?), vous allez voir. Car ce n'est pas l'auteur que ces gens là défendent (même s'ils en trouveront bien quelques uns assez neuneus pour signer des pétitions), mais leur source de revenu.