L’année 2016 a commencé par l’une des plus grandes découvertes astronomiques du XXIe siècle : il existe bien, comme l’avait prédit Einstein cent ans plus tôt, des «ondes gravitationnelles» se propageant dans l’univers. Des ondulations de l’espace-temps qui se déplacent à la vitesse de la lumière, comme des vaguelettes à la surface d’un plan d’eau. Depuis la première annonce fracassante de cette découverte, on a déjà détecté le passage d’une quinzaine de ces ondes gravitationnelles. Elles sont créées la plupart du temps par la collision de deux trous noirs, et parfois par le choc d’étoile à neutrons. Des astres très massifs et denses, capables de dégager une sacrée onde de choc quand ils se percutent…
Sept ans plus tard, la révolution des ondes gravitationnelles en astronomie entame son deuxième chapitre avec une nouvelle découverte majeure : outre les quelques ondes qu’on a détectées individuellement, et qui correspondent à des événements ponctuels de collision, on a maintenant «entendu» avec des radiotélescopes qu’un fond permanent de faibles ondes gravitationnelles baigne l’univers. Un fond diffus de perturbations qui troublent l’espace-temps, venant de trous noirs supermassifs qui tournent les uns autour des autres.
Au départ, ce n’est pas le sujet d’étude principal des trois radiotélescopes mobilisés – l’observatoire Green Bank et le Very Large Array aux Etats-Unis, ainsi que l’ancien télescope d’Arecibo à Porto Rico. Ces grandes antennes paraboliques écoutent avant tout les pulsars, ces cadavres d’étoiles très denses qui tournent sur eux-mêmes plusieurs centaines de fois par seconde, émettant des ondes radio comme des phares surexcités. Habituellement, ces ondes sont extrêmement régulières. On peut s’en servir comme des métronomes de l’espace, des horloges parfaitement réglées avec une précision de l’ordre de la nanoseconde. Oui, mais… Il faut compter avec les ondes gravitationnelles, qui déforment provisoirement l’espace-temps : il s’étire puis se remet en place. Au passage d’une onde gravitationnelle, la distance qui nous sépare d’un pulsar va donc être brièvement modifiée, et son tempo entendu depuis la Terre va vaciller. Une fois établi ce principe théorique, les astronomes de Nanograv ont pu guetter ces irrégularités chez 68 pulsars et les corréler entre elles. Comme s’ils surveillaient un réseau de 68 bouées dans la mer pour reconstituer le passage des vagues…
Fascinant.