J'aime plutôt ce qu'écrit Ploum d'une manière générale, et je suis plutôt du côté de ceux qui lui cherchent des excuses quand certains de ses articles déclenchent une petite guéguerre. Mais là, je vais faire une exception, et dire ce que je pense de cet article, franchement : cet article, c'est de la merde.
Il part pourtant d'un constat que je partage - que presque tout le monde partage finalement : la presse est malade de n'avoir pas su s'adapter, elle meurt de ses accointances avec le pouvoir, de son addiction à la publicité, et de la concurrence des autres médias : la télévision, internet. Et du cercle vicieux que tout cela engendre : moins de lecteurs >> moins de revenus publicitaires >> moins de moyens >> moins de contenus pertinent >> moins de lecteurs >> moins de revenus >> etc.
Je suis d'accord avec lui à peu près jusqu'au paragraphe où il dit "Pour s’adapter à Internet, la presse a transformé les publications traditionnelles en sites web. L’idée de base était de ne surtout rien changer et de faire payer une version électronique, un PDF du journal." Effectivement, le vice originel de la relation "ancienne presse" VS internet vient de là : de n'avoir pas su voir la spécificité de ce support.
Mais pour la suite, je ne suis plus du tout d'accord et vous m'excuserez, ça part un peu dans tous les sens dans ma tête, je tenterai de faire un article mieux ordonné plus tard (ou pas).
- tout ça, c'était avant... Ploum ressasse une idée fausse : la presse s'est très bien adaptée à internet, au point de produire des contenus uniquement pour le net. Et c'est rarement bien (j'y reviens plus bas)
- effectivement, certains sites s'en sortent très bien : @si, Mediapart... Mais êtes-vous prêt à payer pour une multitude de sites d'information et d'analyse ?
- Ploum est affreusement condescendant, et ça, ça m'agace. Vraiment. Qui ne veut lire que de la presse d'analyse et de réflexion ? Qui en a envie, et qui en a le temps ? Quand je vois certains de mes shaarlistes préférés gueuler après les vieux qui osent faire leur courses en même temps qu'eux, alors qu'ils n'ont que ça à foutre (c'est bien connu, la retraite ça ne sert qu'à attendre la mort) alors que eux, ils ont un boulot, des enfants, milles choses urgentes et palpitantes bien plus importantes que le caddie de mamie... bref, quand je lis ça, je me demande vraiment si ils ont le temps de lire la presse "ordinaire". Et si ils auront le temps de lire la presse telle que Ploum l’appelle de ses vœux. Au delà du débat payant/gratuit et de la tarte à la crème faire de la merde / faire de la qualité, se pose aussi la question du temps. C'est con à dire, mais on n'a pas le temps de tout lire, même si c'est super bien. Vous n'avez pas le temps de lire de l'analytique ? Qu'à cela ne tienne, on va vous donner du pré-digéré : 20 minutes, Métro, Direct Matin. On a aussi la presse qu'on mérite. 5et ne vous faites pas d'illusions : ces titres que je viens de citer sont rentables, eux.)
- Non, Twitter et Facebook n'ont pas remplacés la chaîne de l'information. Twitter et Facebook (et Google + n'en déplaise à Timo), ça charrie 95% de merde. Des lolcats. Des hastags débiles. Ou racistes. Du racontage de ma vie en boucle. De l'autosatisfaction sans intérêt (variante du cas précédent). Des selfies. Dans les 5% restant, je mets quelques comptes vraiment intéressants, généralement associés à un site qui l'est tout autant, pour diverses raisons (en vrac : Eolas, Boulet, Gallica...) ; ou des comptes de journalistes, qui "livent-tweetent" des trucs ou qui donne un point de vue plus "libre" de l'actualité, ou sur un thème dont ils suivent l'actualité (politique, sportif, culturel...). Ah tiens donc, je croyais que tous les journalistes étaient des inutiles et que Twitter allait tous les remplacer ? Sauf que ce n'est pas si simple apparemment...
- Mais c'est aussi l'un des gros problème d'une certaine presse moribonde : le pompage de ce ce qui fait le buzz sur internet. OSEF, on l'a déjà vu sur internet, et bien avant que vous n'en parliez. Dites nous plutôt des trucs que l'on ne sait pas.
- L'autre gros problème est lié au manque de moyens que j'évoque plus haut : le recopiage de dépêches. Et son corollaire : la propagation virale d'informations erronées. C'est comme si, en voulant s'adapter au net, la presse avait reniée ce qui fait son code génétique : la vérification. Le recoupage des sources. Et ce n'est pas uniquement une question de pognon. Un coup de fil, ou une recherche rapide en quelques clics, ça ne coûte rien.
- Finalement, Ploum fait la même erreur que cette "presse" qu'il semble exécrer : il oppose "la presse" (sous-entendu : papier) et "internet". L'ancien et le moderne. Les vieilles technologies contre les nouvelles technologies. C'est bien connu, ce qui est vieux, c'est nul, ce qui est nouveau, c'est beau. Je ne suis pas d'accord. Je suis plus de l'avis de Gee (https://leblocnotesdegee.wordpress.com/2014/04/29/le-jour-ou-jai-arrete-de-lire-les-nouvelles/) : la qualité, c'est payant (dans les deux sens du terme...) que ce soit sur papier ou sur le web. Le canard enchaîné va sur ses 100 ans. C'est pas vraiment une start-up de l'information... Il n'a pas de compte Twitter, il n'est pas sur Facebook, il a juste une page statique http://lecanardenchaine.fr/ pour occuper le terrain (éviter le cyber squatting) et... inviter les gens à l'acheter mercredi prochain ! A l'aune des critères de Ploum, Le canard enchaîné, ce serait donc de la merde...
- Puisqu'on est dans les citations, un autre article avec lequel je suis d'accord, c'est celui de la grotte du barbu : http://www.lagrottedubarbu.com/2013/07/25/pourquoi-je-me-suis-resolu-a-boycotter-massivement-les-medias-traditionnaux/ Les "médias traditionnaux" "c'est surtout du bruit"... "90% des informations n'ont aucun intérêt" et il se tient informé avec ses flux, sa communauté en ligne et son réseau "physique" (voisins, amis, famille...)
- je rejoins cet article http://jefaispeuralafoule.blogspot.fr/2014/04/une-belle-insulte-la-presse-ecrite.html (merci Timo qui le démonte dans son Blogoshaarli !) sur le fait qu'on ne s'improvise pas "éditeur de presse". J'ai mon site, j'ai mon shaarli ; il a sa page Facebook, il a son blog ; tel autre passe sa journée sur Twitter. Est-ce que ça fait de nous des journalistes ? Non, ça fait de nous des gens qui donnons notre avis sur tout et sur rien sur internet. Ça ne rend pas moins mauvais certains journaux. Mais ça ne nos donne aucune légitimité, ni crédibilité. Parce que journaliste, c'est un (beau, et difficile, et ingrat, et mal payé) métier. Soyez certains que les pigistes qui font du copié-collé de dépêches AFP ou Reuters toute la semaine se rêvaient un autre avenir. Mais ils sont prisonniers du système qui les fait bouffer. Je ne parle pas de l'institution "presse", je parle des gens qui travaillent dedans. La plupart sont parfaitement conscients de faire de la merde. Ce qui n'enlève rien à la qualité du travail de certains blogueurs, ni à l'intérêt de la production de certains écrivains qui peuvent se livrer à de véritables enquêtes. Simplement, ils ne se prennent pas pour des journalistes.
- Fondamentalement, le terme de journaliste désigne pour moins deux choses, finalement assez distinctes :
>> celui qui va voir, et qui ramène l'info. L'indigné en pantoufle ne prend pas trop de risques pour sa part.
>> celui qui hiérarchise et organise l'information pour la donner à voir au public. Il est peut-être là le problème de "la presse" aujourd'hui. Oh si, on hiérarchise. Mais pas dans le sens où vous croyez. Prenez un magazine, regardez le JT. Après les inévitables gros titres, vous avez quoi ? De la variété. Du foot. Les petites phrases des politiques. Des "people". Bref rien, nada, du vent.
- Je l'ai déjà dit à maintes reprises (voir http://sammyfisherjr.net/Shaarli/?UZ9CUw et http://sammyfisherjr.net/Shaarli/?ScVTJQ par exemple) : ça m'ennuie de dire" la presse". Parce que c'est un ensemble disparate et hétérogène :
>> il y a (beaucoup) de bon. Mais on se focalise sur la merde. On se complait à ne parler que de ça. Je pourrais synthétiser ma pensée d'une formule lapidaire : "Les mauvais journaux meurent ? Laissez les mourir" Oui, je pense que les subventions de l'Etat à la presse sont une mauvaise chose. Dans le meilleur des cas, c'est donner du pognon à des entreprises qui n'en ont pas besoin, dans le pire, c'est placer un cadavre sous assistante respiratoire.
>> non, "la presse" ne va pas mal. Ce sont les quotidiens et les journaux d'informations qui vont mal. La presse spécialisée se porte très bien. (photo, bricolage, mode, "presse féminine"... qui n'a personne d'abonné à Télérama ou Géo dans sa famille ? Et il faudrait aussi citer des publications comme Alternatives économiques, qui doit avoir + de 20 ans, et qui marche bien aussi)
>> je l'ai dit, et je le répète, on a la presse qu'on mérite. Je n'achète jamais le journal. Je ne regarde jamais le JT. Ni les émissions de reportages. En fait, je ne regarde la télévision que pour passer du temps avec mon épouse. Je n'achète jamais L'Express, le nouvel obs, le Figaro mag, Marianne... J'écoute la radio (France info pour les news, France Inter et France culture le reste du temps). Comme le barbu, je me tiens informé grâce à la "presse en flux", celle où tout le monde dit la même chose au même moment. J'achète Alternatives économiques et le canard enchaîné quand je prends le train. Je suis abonné à XXI. J'aurais pu m'abonner à Mediapart ou à Arrêt sur images, mais il faut aussi faire des choix : pas le temps, pas envie de lire des tonnes "d'analyse". J'essaie au moins d'être honnête avec moi-même, ce que Ploum ne fait pas dans son article. Je veux AUSSI passer du temps avec ma famille, m'occuper de mon jardin, lire des livres, jouer à des jeux vidéo... Je n'ai pas envie de lire toute l'actualité atroce de la France, de la Navarre, et des restes du monde. Je pourrais ne faire que ça de ma vie, mais je ne le VEUX pas.
>> on peut aimer les journalistes, l'information, la presse, et critiquer tout cela rageusement. Cf. : http://sammyfisherjr.net/Shaarli/?SnV3gQ "Dire que les groupes de presse produisent des articles de qualité médiocre, copient/collent des dépêches à longueur de journée pour essayer d’avoir l’air de produire quelque chose sur le Web, dire qu’ils sont désormais détenus par des industriels qui n’en attendent rien d’autre qu’une rentabilité à deux chiffres, que ces industriels ne savent pas ce que c’est que la presse, qu’ils réduisent les coûts là où ils ne devraient pas le faire, dire que les journalistes n’ont plus les moyens de travailler correctement, tout ça, c’est mal. Pourquoi ? Parce que l’on réduit ce qui est dit à : « vous n’aimez pas les journalistes« ."
Bon. Je vais m'arrêter là. Ploum a dit 2-3 bien, malheureusement englués dans un enrobage de banalités et d'idées préconçues. C'est dommage, mais ce n'est pas grave, il fera mieux la prochaine fois, et ça m'a permis de faire le point sur ce que je pensais de tout ça.