La première phrase est comme une barrière de corail qu’on doit franchir pour accéder au grand large du reste du livre. Le grand large hasardeux où l’on n’aura pas pied, où menacent des courants, des méduses ou pis, des REQUINS, où l’on s’expose au naufrage, à l’ennui mortel, à l’insolation, à la déshydratation. Si ça se trouve il faudra boire notre urine pour survivre (surtout ne pas boire d’eau de mer). Quelle horreur ! Mais une nuit ou l’autre, une nuée de poissons volants viendra peut-être nous éclabousser, le plancton luira comme une voie lactée dans l’eau noire, la queue immense d’un cachalot surgira je te jure à deux mètres à peine de notre embarcation (et même pas d’appareil photo à portée de main, c’est trop bête mais tu sais bien, les souvenirs sont plus précieux que les photos). Peut-être qu’un oiseau de mer, une odeur de végétation humide et un miroitement gris sur l’horizon nous annonceront que la terre est proche. Les vents seront portants, il y aura des sirènes ou des pirates et au-delà, l’inconnu, une romance, un drame, l’amour, la mort, le petit-déjeuner. C’est pour cela que nous lisons.
Le remède à l'ennui c'est la curiosité, la curiosité elle, est sans remède.
Vis comme si tu devais mourir demain. Apprends comme si tu devais vivre toujours
Il n’y a plus de honte maintenant à cela ; l’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus. Le personnage d’homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu’on puisse jouer. Aujourd’hui[2], la profession d’hypocrite a de merveilleux avantages. C’est un art de qui l’imposture est toujours respectée ; et, quoiqu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle. Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure, et chacun a la liberté de les attaquer hautement ; mais l’hypocrisie est un vice privilégié qui, de sa main, ferme la bouche à tout le monde, et jouit en repos d’une impunité souveraine. On lie, à force de grimaces, une société étroite avec tous les gens du parti. Qui en choque un, se les attire[3] tous sur les bras ; et ceux que l’on sait même agir de bonne foi là-dessus, et que chacun connaît pour être véritablement touchés, ceux-là, dis-je, sont toujours les dupes des autres ; ils donnent bonnement[4] dans le panneau des grimaciers, et appuient aveuglément les singes de leurs actions. Combien crois-tu que j’en connaisse qui, par ce stratagème, ont rhabillé adroitement les désordres de leur jeunesse, qui se font un bouclier du manteau de la religion, et, sous cet habit respecté, ont la permission d’être les plus méchants hommes du monde ? On a beau savoir leurs intrigues, et les connaître pour ce qu’ils sont, ils ne laissent pas pour cela d’être en crédit parmi les gens ; et quelque baissement de tête, un soupir mortifié, et deux roulements d’yeux, rajustent dans le monde tout ce qu’ils peuvent faire. C’est sous cet abri favorable que je veux me sauver, et mettre en sûreté mes affaires. Je ne quitterai point mes douces habitudes ; mais j’aurai soin de me cacher, et me divertirai à petit bruit. Que si je viens à être découvert, je verrai, sans me remuer, prendre mes intérêts à toute la cabale[5], et je serai défendu par elle envers et contre tous. Enfin, c’est là le vrai moyen de faire impunément tout ce que je voudrai. Je m’érigerai en censeur des actions d’autrui, jugerai mal de tout le monde, et n’aurai bonne opinion que de moi. Dès qu’une fois on m’aura choqué tant soit peu, je ne pardonnerai jamais, et garderai tout doucement une haine irréconciliable. Je ferai le vengeur des intérêts du ciel ; et, sous ce prétexte commode, je pousserai mes ennemis, je les accuserai d’impiété, et saurai déchaîner contre eux des zélés indiscrets, qui, sans connaissance de cause, crieront en public contre eux[6], qui les accableront d’injures, et les damneront hautement de leur autorité privée[7]. C’est ainsi qu’il faut profiter des faiblesses des hommes, et qu’un sage esprit s’accommode aux vices de son siècle.
Don Juan ou le Festin de pierre, Acte V Scène II
Ca-n'a-pas-pris-une-ride. C'est même d'une actualité troublante.
(Entendu dans le podcast "Ca peut pas faire de mal", avec l'extraordinaire Guillaume Gallienne ; j'en reparlerai sûrement)
Citations sur la France, l’Histoire... le mélange est piquant.
TIL : "CQFD" vient d'Euclide.
« La dictature parfaite aurait les apparences de la démocratie. Une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader. Un système où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude. »
Aldous Huxley
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"Dans le monde, il y a deux sortes de personnes: ceux qui peuvent extrapoler à partir de données incomplètes."
“Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l’autorité et n’ont aucun respect pour l’âge. À notre époque, les enfants sont des tyrans.”
Socrate.
Omnes vulnerant, ultima necat
« Toutes blessent, la dernière tue. »
Formule affichée sur les cadrans d'horloge et les cadrans solaires en référence aux heures qui passent.Omnia dicta fortiora si dicta Latina
« Un propos prend plus de force lorsqu'il est dit en latin. »
« L’une des inversions malignes les plus classiques et les plus meurtrières a donné naissance à l’idée de pureté. La pureté est l’inversion maligne de l’innocence. L’innocence est amour de l’être, acceptation souriante des nourritures célestes et terrestres, ignorance de l’alternative infernale pureté-impureté. De cette sainteté spontanée et comme native, Satan a fait une singerie qui lui ressemble et qui est tout l’inverse : la pureté. La pureté est horreur de la vie, haine de l’homme, passion morbide du néant. Un corps chimiquement pur a subi un traitement barbare pour parvenir à cet état absolument contre nature. L’homme chevauché par le démon de la pureté sème la ruine et la mort autour de lui. Purification religieuse, épuration politique, sauvegarde de la pureté de la race, nombreuses sont les variations sur ce thème atroce, mais toutes débouchent avec monotonie sur des crimes sans nombre dont l’instrument privilégié est le feu, symbole de pureté et symbole de l’enfer… » (Le Roi des Aulnes)
Juste pour le plaisir :
« Le véritable anarchiste marche toujours entre les clous, parce qu’il a horreur de discuter avec les flics »
"Je vis d'immenses édifices s'élever, vagues et splendides, et passer comme des rêves"
"Pour connaître un pays, il faut le manger, le boire et l'entendre chanter"
"Marcher d'un même pas, c'est l'objectif du despotime et de la tyrannie. Les hommes libres, eux, vont dans tous les sens."
Lu dans "Une histoire de la lecture" d'Alberto Manguel, que je viens juste de terminer : "un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous."
Ce qui tend à prouver qu'une bonne part des citations célèbres sont apocryphes...
via Kevin
Un peu de Hugo ce matin, grâce à Gee qui découvre Les Misérables (y'a pas de mal, je ne l'ai pas lu non plus...)
"Soit dit en passant, c’est une chose assez hideuse que le succès. Sa fausse ressemblance avec le mérite trompe les hommes. Pour la foule, la réussite a presque le même profil que la suprématie. [...] Gagnez à la loterie, vous voilà un habile homme. Qui triomphe est vénéré. Naissez coiffé, tout est là. Ayez de la chance, vous aurez le reste ; soyez heureux, on vous croira grand. En dehors des cinq ou six exceptions immenses qui font l’éclat d’un siècle, l’admiration contemporaine n’est guère que myopie. Dorure est or."
Mouarfarfarf : "Pourquoi des gens portent-ils soudain des casquettes en peau de sac à main de vieille ?"
EDIT : "La séduction est le pédiluve de l'amour" ... :O
Re-EDIT : et le coup des hipsters et de Twitter... note de compet' aujourd'hui !
Re-re-Edit : "J'ai jamais été précoce dans la vie, sauf quand il s'est agit de devenir un vieux con" << il a écrit ça pour moi ou quoi ?
Connaissez-vous Chris Marker ? Il est pourtant l'auteur d'une citation que tout le monde connait, mais dont presque personne savait qu'il en était l'auteur : "L'humour est la politesse du désespoir"
Je ne sais pas si cette citation est réelle ou apocryphe, mais je la trouve bien pensée.
via https://twitter.com/pmatas/status/442329604204658688/photo/1