À l’époque, certes, il y eut un consensus : si elle avait pour objectif d’enrayer la trypanosomiase à l’échelle de la population, la vaccination à la Lomidine protégeait aussi l’individu vacciné. Pourtant, les Européens installés sur le sol africain échappèrent à cette logique. Non seulement la vaccination – que l’on savait risquée et douloureuse – ne leur était pas imposée, mais son administration était étudiée au cas par cas, en vertu d’un calcul risque/bénéfice qui n’était pas soumis au critère du collectif. L’Européen ne faisant pas partie de la masse, la prophylaxie n’était généralement pas indiquée pour lui. Ce n’était que lorsqu’il tombait malade qu’il était traité à la Lomidine. À deux objets différents – masse et individu – correspondent donc deux modes d’intervention distincts : la prévention ou la thérapie.
La médecine de masse était également une médecine racialisée : c’est en tant qu’« africain » que l’individu est de facto exclu du champ du regard médical. C’est à la lumière d’une telle exclusion qu’il faut comprendre le peu d’importance accordée à la question des effets, bénéfiques ou néfastes, de la lomidinisation préventive sur l’individu. C’est par une telle exclusion qu’arriva le scandale.
CW : long texte sur les violences gynécologiques et obstétriques.
J’évite de penser à la douleur qui deviendra de pire en pire, tout en sachant que je vais morfler : c’est une constante familiale dans toutes les générations, la douleur et le gynécologique, de l’examen banal à l’accouchement aux suites de celui-ci. Je le sais déjà : toute ma vie les docteurs, les sages-femmes, qu’ils soient plus ou moins sympas, plus ou moins expérimentés, plus ou moins insultants ou brutes, m’ont fait mal. Je me disais que c’était comme ça, c’était le prix de la santé, de la vie. N’absorbez pas cette leçon : c’est faux.
Voilà. Tout est dit dans ce paragraphe.
Écouté en partie ce marin dans la voiture :
À Paris, Londres, Berlin ou Vienne, les grandes maternités hospitalières sont assaillies par de violents épisodes de fièvre puerpérale. Des centaines de jeunes accouchées meurent d’infection sous le regard impuissant et résigné du personnel médical. Armé d’un esprit rigoureux et rationnel, Semmelweis trouve un moyen simple et efficace pour enrayer ce fléau : le lavage des mains à l’eau de javel. Les germes n’ont pas encore été identifiés. Semmelweis est donc un pionnier, le fondateur de l'asepsie et le découvreur d’une mesure prophylactique d’une saisissante actualité.
Malgré des résultats indiscutables, très peu de médecins reconnaissent la validité du lavage des mains. Une très large majorité de la communauté médicale ignore ou ridiculise une méthode qui nécessite de rompre avec les habitudes, de changer les comportements. Mais le corps médical rejette surtout l’hypothèse irrecevable qui en découle : ce sont les mains des médecins et leurs ustensiles souillés qui sèment la mort.
Rejeté de son vivant, Semmelweis meurt en 1865, à l'âge de 47 ans. Il tombe très vite dans l’oubli, particulièrement en France, où Louis Pasteur est en passe de découvrir les germes responsables des maladies infectieuses. Aujourd’hui encore, la découverte de Semmelweis tout comme sa contribution à l'évolution de la science sont largement occultées par l’historiographie médicale française et son culte du héros national.
Et c'est la thèse de doctorat en médecin d'un certain Louis Destouches (aka Céline) qui contribuera à sauver de l'oubli ce génial précurseur.
Un excellent article de Martin Winckler sur un sujet qui me tient à cœur.
Aujourd'hui je vais juste parler de terminologie. Des mots qu'on emploie et de ceux qu'on pourrait choisir (il me semble) employer à leur place.
Et donc le mot d'aujourd'hui est "euthanasie".
Étymologiquement, ça vient du grec et ça signifie "bonne (eu) mort (thanatos)"
Quand on le dit, ça sonne furieusement à mes oreilles comme "état nazi" et je ne suis pas sûr d'être le seul à entendre ça, de manière plus ou moins subliminale. Entendu comme ça, ça fait peur. Et il y a de quoi.
[...]
Le mot "euthanasie", avec sa polysémie, noie le poisson. Qui n'avait rien demandé. Il masque totalement que dans le débat actuel, la question est avant tout celle de la liberté de mourir quand et comment on le décide et le choisit.
[...]
Il s'agit d'une procédure médicale : la personne qui veut mourir ne veut pas se pendre, se noyer, se défenestrer, se tirer des chevrotines dans la bouche ou avaler de la mort aux rats.
Elle désire mourir sans souffrance et sans faire souffrir son entourage, grâce à des méthodes contrôlées et dont les effets sont connus. La pharmacopée n'en manque pas.
Le rôle médical est là, et seulement là : lui procurer (et, éventuellement, administrer si la personne ne peut ou ne veut le faire elle-même) les médicaments qui lui permettent de mettre fin à sa vie 1° sans souffrir et 2° au moment qu'elle aura choisi.
(Oui, oui, j'en entends dire "Mais un médecin c'est pas fait pour tuer"... Et encore une fois ces personnes-là ne voient pas l'essentiel, à savoir qu'il s'agit d'une décision prise par la personne soignée, et non par les médecins. Et qu'elles ont toute latitude pour se démettre, comme pour n'importe quel soin.
On ne demandera pas aux professionnelles opposées à l'aide médicale à mourir de la pratiquer, tout comme on ne force pas des personnes opposées à l'IVG de les pratiquer. Elles le feraient mal.
[...]
Tout ça est simple, il me semble. A dire, à définir, à comprendre et à réglementer. Et à celles et ceux qui commencent à émettre des objections, je répondrai simplement : Suisse, Luxembourg, Belgique, Pays-Bas, Canada, Colombie, Oregon... Ces états ont légiféré/réglementé. Pour certains, depuis trente ans. Et leur société ne s'est pas engouffrée dans le chaos. Alors, encore une fois, qu'on arrête d'emmerder le monde avec des objections qui ne tiennent pas debout.
[...]
Bannissons le mot "euthanasie" du vocabulaire et donc du débat.
Parlons désormais d' "aide/assistance médicale à mourir".
Car cela permettra de mieux voir l'enjeu central :
Dans une société qui se dit démocratique et dont la devise est "Liberté, Egalité, Fraternité", les citoyennes doivent pouvoir décider de mourir librement et selon leurs propres termes, avec l'aide des professionnelles de santé qui sont prêtes à les accompagner.
Je ne sais pas si la société française et ses élues de tous genres sont prêtes à voter une loi qui irait dans ce sens, mais appelons au moins les choses par leur nom.
Après une nouvelle plainte, le médiatique microbiologiste de Marseille accusé d'"information erronée du public", va devoir s'expliquer devant ses pairs et s'expose à une sanction exemplaire.
Mon moral vient de remonter d'un coup.
Il est même plus que probable qu'on puisse dire "le racisme profondément intégré par des génération de médecins"
(j’étais tombé sur un article à propos de cette affaire expliquant que le biais ayant amené à cet algorithme seraient en fait largement répandu, et de longue date dans les diagnostiques des médecins américains" faudra que je le retrouve :/)
Ça ne m'étonne pas ; il n'y a qu'à voir la façon dont est morte Naomi Musenga.
Je croyais avoir déjà shaarliée cette critique du livre "Le chœur des femmes" par Mona Chollet, mais voilà qui est fait.
Il faut avoir en tête que tout ce qui arrive à un patient n'est pas essentiel à notre diagnostic : il faut comprendre et distinguer ce qui est important de ce qui arrive dans la vie et la santé d'une personne. Il existe deux aphorismes sur lesquels on s'appuie. Le "rasoir d'Ockham" , principe selon lequel l'idée la plus simple est souvent la bonne. C'est l'idée que l'on peut peut-être expliquer un ensemble de symptômes par une seule cause. C'est ce qu'on préfère !
Il y a aussi celui d'un docteur américain, qui a donné le "Hickam's dictum" [...] "Un patient peut avoir autant de satanées maladies qui lui chante." On espère que le patient n'a qu'une maladie mais il arrive qu'il en ait plusieurs...
[...]
Car s'il existe des milliers de maladies, notre corps a un nombre très, très limité de façons de les exprimer.
[...]
Personne ne le sait vraiment, mais je crois que c’est entre autres parce que les femmes ont été éduquées à écouter. C'est une compétence importante lors du diagnostic : recueillir l'histoire du patient.
Alors on est bien d'accord que les femmes n'écoutent pas "mieux" que les hommes, mais l'essentiel est dit : on n'apprend pas (assez) aux médecins à écouter leurs patients (pas en tant qu'être humain en tout cas), juste à les considérer comme un sac de symptômes.
C'est une étude faite dans les années 70 en Grande-Bretagne. Quatre docteurs ont reçu un total de 80 patients. Ils devaient garder une trace de ce sur quoi ils se sont fondés pour établir leur diagnostic. Dans 75% ou 80% des cas, le diagnostic a été fait à partir de l'histoire du patient. Les examens n'ont suffi qu'à obtenir des compléments d'information ou à confirmer ce qu'ils savaient déjà. Cette étude a été refaite dans les années 1990 et des résultats similaires ont été obtenus.
"Quand j'ai écouté l'enregistrement [de Naomi Musenga et de l'agente du Samu], ça m'a frappée parce que c'est quelque chose que j'ai connu. Le ton qui était utilisé, c'est un ton que j'ai déjà entendu", témoigne de son côté Karima*, la quarantaine. Elle aussi estime avoir été victime de préjugés racistes de la part des médecins. "Celles-là, elles en font toujours trop", s'entend-elle répondre, à 18 ans, le jour où elle se plaint de fortes douleurs auprès d'un infirmier qui procédait à une injection. Plus tard, lorsqu'elle se présente "zen et détendue" à la clinique le jour de son accouchement, "le gars de l'accueil se met à rire et dit que je suis bien calme parce que 'd'habitude, les gens comme vous se roulent par terre'".
On commence enfin à faire le le lien entre le racisme et la mort de Naomi Musenga.
Il était temps.
Alors qu’ils ont vu la catastrophe sanitaire se dérouler sous leurs yeux, les "French doctors" n'ont alerté ni la presse ni le grand public.
En juillet dernier, dans la salle d’audience australienne, alors qu’il était question de la prothèse, des e-mails du groupe des neuf ont été lus à voix haute provoquant des mouvements d’indignation. Dans cet échange privé, postérieur à l'introduction du Prolift sur le marché, l’un des médecins se demande s'il est normal qu’il n’ait, pour le moment, aucune envie de poser cette prothèse à sa femme.
Pour faire un résumé à la hache, voilà ce que ça donne quand les hommes s'occupent du corps des femmes. "ça fait mal ? Ranafout, je sens rien moi"
Des médecins lui ont dit : «Je vous comprends, vous avez raison, mais je ne peux rien faire pour vous.» Ils ont tort : la dernière loi Claeys-Leonetti laisse un espace pour ces situations. Encore faut-il qu’ils prennent leurs responsabilités. Là, les médecins ne l’ont pas prise, et Anne Bert s’est décidée à partir en Belgique.
[...]
Que faire alors ? Chacun a sa façon d’être : «J’ai beau me coucher, et me lever, les jours ne se renouvellent pas. Il n’y a qu’un lendemain : la mort…» Mais aussi : «Même ma langue a changé : je n’emploie plus le futur qui ne sera pas. Ni l’imparfait qui me griffe le cœur et qui n’est plus… Cela va si vite. Je ne veux pas de ça, ni des aides à sous-vivre, être branchée ici ou là, ni même être nourrie à la cuillère, ou assistée pour respirer.» Anne Bert n’aime pas la mort. «Mourir n’est pas mon projet de vie. Je ne veux pas mourir. C’est la SLA, mon adversaire, qui me donne la mort.» Et donc, ce projet : «Je ne me décharge pas de la responsabilité de ma fin, elle fait partie de ma vie, je ne la livre pas contre mon gré au corps médical impuissant. Il me reste une ultime liberté : celle de choisir la façon dont je vais mourir.»
[...]
Voilà, mourir simplement avec une main amie. Quand on évoquait la fin de vie avec le philosophe Paul Ricœur, il répondait de la même façon : «Mourir avec une main amie.» La médecine française ne lui a pas apporté ce réconfort. Anne Bert ne voulait pourtant rien d’autre, ni être un exemple, ni être hors de la loi : «Un malade incurable n’a aucun devoir. Je ne nuis à personne en assumant mon choix, je ne fais aucun tort à ceux qui acceptent de vivre l’enfer.» Et cette évidence : «Puisque la mort fait partie de la vie, à défaut d’être gaie, elle mérite d’être belle et non souffrante.» Sa mort.
C'est moche, hein. Choix : rester défiguré·e ou mourir du cancer :/
Le site préféré de Luka Rocco Magnotta ^^
Sans rire, c'est fascinant.
Bon, faut pas regarder en mangeant, mais c'est fascinant.
Baptisé Anthropotomia, cet outil s’utilise quasiment comme un livre de recettes de cuisine. C’est une feuille de route qui accompagne l’étudiant lorsqu’il prépare sa séance de travaux pratiques et le guide pas à pas lors de la dissection. Toutes les étapes sont détaillées. Les textes accompagnent des photographies donnant des consignes de dissection. « C’est plus un aide-mémoire qu’un cours d’anatomie », reconnaît un étudiant. « Le livre c’est bien, mais ce n’est pas suffisant. Là, on est presque dans la vraie vie », déclare un autre. « C’est une chose de savoir son anatomie dans son livre, mais c’est autre chose que de voir tous les muscles, les tendons… en vrai », ajoute un troisième.
Quelle horreur. Un cas exemplaire de violence médicale.
Il est mort le 11 mars à 14h après de très grandes souffrances, entouré de ses enfants mais abandonné par ses confrères. Rien n’a été dit ni fait pour lui donner une étincelle d’espoir, pour diminuer sa peur et son angoisse. RIEN. Ils l’ont laissé seul, ils nous ont laissé seuls.
Dans le serment d'Hippocrate, il est écrit :
"Guérir, parfois… Soulager, souvent… Accompagner toujours."
Sous le prétexte qu’il était médecin, on lui a tout asséné sans ménagement ni empathie comme si on parlait d’un autre malade, allant jusqu’à préciser qu'il allait avoir une atteinte de la moelle épinière ; on lui a parlé de confrère à confrère oubliant que c’était de sa vie dont on parlait, on ne l’a pas informé mais on lui a asséné la vérité oubliant qu’il était aussi un être humain et sans mesurer l’impact psychologique de tels discours.
Comment un bouton sur les fesses s'est transformé en cas exemplaire de maltraitance médicale. Oh, la dame n'a pas été frappée, ni violentée, non. Cette violence là se passe de gestes.
Je reprends un extrait de la conclusion du Dr Dupagne :
"L’empathie ne fait pas partie des critères de sélection des médecins et c’est vraiment dommage, parce que ce serait techniquement possible. Il nous faut certes des techniciens, mais l’humanité qui entoure la technique n’est pas négociable."
Un Tumblr de témoignage sur le défaut de consentement, un thème déjà abordé par Martin Winckler (http://sammyfisherjr.net/Shaarli/?dMZcxQ), mais que j'ai découvert via http://janinebd.fr/laisser-le-choix-au-temps/?utm_source=rss&utm_medium=rss&utm_campaign=laisser-le-choix-au-temps (le sujet d'origine était le temps, elle a un peu digressé...)
La vache, le pauvre gars. Qu'est ce que ce devait être avant la greffe...
Sacré exploit médical au passage.
L'info n'est pas choquante en soi, mais la vidéo d'avant l'opération est assez dérangeante : https://www.youtube.com/watch?v=Z60i1Gl8Ufc