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Et quand je ne joue pas... Star Wars : L’Ascension de Skywalker

vendredi 3 janvier 2020, par Sammy

En sortant du cinéma, je me suis dit que c’était mon dernier Star Wars.
D’une part parce que le rythme de parution des films, spin-off et séries tue un peu le mythe ; d’autre part parce que la saga se terminant là où elle avait commencée, on peut considérer que la boucle est bouclée.

Aujourd’hui, je ne serais plus aussi catégorique, j’aime trop cet univers et je sais que j’en redemanderai dans 3 ou 4 ans, lorsqu’un nouvel opus sortira... [1]

Alors, qu’ai-je pensé de de cet épisode IX, censé clore une saga de plus de 40 ans ? [2] Je suis content, c’est un bon cru, et malgré quelques incohérences (de mon point de vue) et déceptions, le contrat est rempli et les passages attendus sont là : course-poursuite spatiale, incursion dans un vaisseau ennemi où les stormtroopers tombent comme des mouches, explosions diverses et tirs de blaster... L’un des indéniables bons côtés du film, c’est son efficacité : il n’y a pas de boucle inutile comme dans Les derniers jedi, encore celle-ci ayant-elle pu se lire comme une critique de la masculinité toxique [3]

Bref, les 2h20 du films sont bien remplies et servent l’intrigue, tout en répondant aux questions ouvertes par l’épisode VII : qui est Rey, que veut-elle, quels sont ses réseaux, qui sont ses parents, quels sont ses liens avec Kylo Ren ? L’arc narratif sur les 3 films entre Rey et Kylo Ren/Ben est très sympa, j’ai envie de les revoir juste pour l’évolution de ces 2 personnages.

Entrant maintenant un peu dans le vif du sujet. Attention,

Rey est la petite fille de l’empereur Palpatine ! Je crois que je ne vais pas m’en remettre. Vous imaginez ce débris lanceur d’éclairs avoir des relations sexuelles ? Personnellement j’ai du mal. Mais passons, il y a fort à parier que nous aurons droit un de ces jours à un nouveau film sur la véritable histoire des parents de Rey et les mystères de sa conception (en espérant que ce ne soit pas aussi nul que l’histoire d’Anakin qui, rappelons-le, est né de l’union de la Force et d’une vierge, je déconne à peine).

Je trouve que le retour du grand-méchant-Palpatine, qui devient au passage le nouveau personnage central de la saga, est non seulement un peu téléphoné (comment dire ? j’étais à la fois surpris et pas surpris, c’est un peu comme Fantomas [4], on sait qu’il reviendra quand même), mais mal amené : j’aurais vraiment aimé être surpris, mais non seulement on est affranchis dès la scène d’ouverture, mais le générique annonçait déjà la couleur : « Les morts parlent ! La galaxie a entendu une transmission mystérieuse, une menace de REVANCHE par la voix de feu L’EMPEREUR PALPATINE.  » [5]

Comme je l’ai shaarlié en rentrant du cinéma, la morale de ce film peut se résumer à cette célèbre phrase du professeur Dumbledore : « Ce sont nos choix qui montrent ce que nous sommes vraiment, beaucoup plus que nos aptitudes. » Ainsi Rey choisit-elle délibérément le côté lumineux et partant, son nom de famille, en déclarant dans la dernière scène du film s’appeler Rey Skywalker [6]. On pourrait même imaginer que Skywalker devienne un nom propre, voire un titre, à l’avenir : Bonjour, je suis un·e skywalker, afin de signifier du même coup que l’on est un jedi, ou un pratiquant de la Force, et que l’on s’inscrit dans l’héritage des Skywalker. Les choix plus que la génétique. Ce qui rompt -et c’est une excellente nouvelle- avec les élucubrations de Lucas sur le taux de midi-chloriens, et les jedi de père en fils/fille.

Car c’est une autre révélation, certes un peu tardive : Leia a reçu une formation de jedi [7]. On peut aussi y voir une façon de re-féminiser à l’arrache un épisode où les femmes brillent par leur absence, mais j’y reviendrai plus loin.

Tant qu’on parle des pratiquants de la Force, c’est un point notable de cette nouvelle trilogie que même les non-jedi peuvent a minima la ressentir. On le subodorait déjà avec Han Solo (le fameux bad feeling), on en est désormais certain avec Finn [8], qui « sait » où est l’émetteur lors du combat final, et qui ressent à distance la mort de Rey.

Je ne vais pas cette fois encore rejouer au jeu des similitudes entre épisodes, mais j’ai eu le sentiment (La sensation ? Merci Finn) que tout le début du film était parsemé de « phrases clés », comme autant de signes de reconnaissance donnés aux fans. Ça peut rassurer, mais c’est sclérosant si on en abuse. Car, si on creuse un peu, c’est bien là le principal écueil de ce dernier film : il semble occulter complétement l’épisode VIII, Les derniers jedi. Vous pourriez regarder à la suite les épisodes VII et IX, vous ne remarqueriez pas le hiatus, si ce n’est la mort de Luke, et encore, une courte scène en post-générique suffirait pour l’expliquer. Je crois que c’est ce point, ce point là précisément, qui est le nœud du problème et la clé de l’avenir de Star Wars (et de toute saga à licence d’une manière générale) : le verrouillage par une major, Disney dans le cas d’espèce.

Je vous cite l’extrait d’un article du Point particulièrement pertinent sur cet aspect des choses :

L’action a beau se dérouler, nous dit-on, un an après les événements des Derniers Jedi, le précédent opus fort controversé de cette trilogie, on reste sidéré par l’impitoyable purge à laquelle J. J. Abrams se livre sur le film mal-aimé de Rian Johnson. On avait quitté les rebelles en fuite, réduits à une poignée de survivants tassés dans le Faucon Millenium, le Premier Ordre du méchant Kylo Ren à leurs trousses. On les retrouve ragaillardis avec une flotte reconstituée, comme si rien n’était arrivé. La suite du film démonte une par une presque toutes les idées fortes des Derniers Jedi, y compris le plan-scandale montrant Luke Skywalker balançant dédaigneusement à la flotte son sabre laser. Probablement sous l’amicale pression de la maison Mickey et un peu guidé par son propre ego, J. J. Abrams fait table rase de la table rase de Johnson et remet en place les couverts chers aux fans conservateurs : l’Empereur revient donc, mais aussi Lando Calrissian et quelques autres, les clins d’œil à la première trilogie pullulent de plus belle, Rey n’est finalement pas fille de rien et l’on rétropédale sur le féminisme pro-actif (la pilote Rose Tico en est l’une des victimes collatérales)… Règlement de comptes entre réalisateurs ? Peut-être. Mais ne blâmons finalement ni Rian Johnson ni J. J. Abrams, lequel se voit confier la mission impossible de clore 42 années d’intrigues depuis le premier Star Wars, tout en réconciliant les générations sans oublier de satisfaire les actionnaires de Disney.
« Star Wars : l’ascension de Skywalker » ou la trahison de la trahison

Il aurait fallu s’en tenir soit aux choix opérés par J. J. Abrams dans Le réveil de la Force, soit à ceux de Rian Johnson dans Les derniers jedi, et tenir le cap sur les trois films ; au lieu de ça, on a la triste impression que l’épisode le plus progressiste de l’ennéalogie [9] se trouve du même coup être le moins utile !

Puisqu’il faut bien en passer par là, voici les autres points que je trouve ratés par cette conclusion :

  • Rose ne sert à rien dans cet épisode, c’est une vraie déception. Et l’expliquer par la mort de Carrie Fisher est une hypocrisie.
  • On pourrait à la limite l’accepter en se disant que le personnage féminin fort de cet opus, c’est Rey : en formation avec Luke tout au long de l’épisode VIII, il était normal qu’elle réoccupe le devant de la scène pour le grand final. Seulement, j’ai le sentiment que ce film ne passe le test de Bechdel que de justesse.
  • Le web m’avait prévenu [10] de la présence d’un baiser homosexuel dans le film, j’ai attendu pendant tout le film la déclaration d’amour entre Finn et Poe. Il s’avèrera de façon très décevante [11] qu’il ne s’agit que d’un baiser entre deux personnages très secondaires, à l’arrière-plan, entr’aperçu durant 2 secondes, et à la toute fin du film ! Et je ne suis pas le seul à le penser apparemment. Oscar Isaac lui-même (l’interprète de Poe Dameron) le regrette et confie que « les grands patrons de Disney n’étaient pas prêts à faire ça ». Où l’on revient sur le rôle d’une major dans le processus créatif, là où la saga était à l’origine l’œuvre d’une petite équipe, pour ne pas dire d’un seul homme, (et sur laquelle personne ne voulait miser un kopeck alors qu’elle pèse désormais des dizaines de milliards de dollars).

Puisque nous sommes au chapitre des déceptions, voici la liste des détails qui m’ont choqué :

  • le fantôme de Luke qui attrape le sabre laser au vol lorsque Rey le jette dans les flammes ; si les jedi décédés peuvent revenir aussi facilement et interagir avec le monde physique, pourquoi ne viennent-ils pas en personne lors du combat final contre Palpatine ? En poussant le raisonnement plus loin, les Siths ne devraient jamais pouvoir revenir : il y a toujours une armée de jedi morts pour surveiller la galaxie... Alors oui, je connais la réponse des fans hardcore : un jedi peut communiquer et « voir » un autre jedi mort lorsqu’il existe un lien de Force entre eux [12]. Mais je demeure choqué par cette intervention d’un fantôme sur le plan physique ;
  • On nous explique que Rey et Ben constituent une « dyade de la Force ». Mais cela ne justifie en rien leur ubiquité : ils commencent à se parler par télépathie dans les épisodes 7 et 8, et voilà que maintenant ils arrivent à se battre en étant dans deux lieux différents. Je ne comprend pas ce que ça amène. Mais ça pourrait encore passer, ce que je n’ai vraiment pas digéré, c’est lorsque Ben vole « à distance » le collier de Rey ;
  • les destroyers impériaux peuvent maintenant détruire une planète ! Ben voyons. Dans l’épisode suivant, ils désintégreront des galaxies entières peut-être ? Je rappelle juste que jusqu’alors, il fallait des bases spatiales grosses comme une petite Lune pour concentrer une pareille puissance ;
  • les éclairs de Force, pouvoir emblématique des siths et de l’empereur, que Palpatine lance sur les vaisseaux rebelles lors de l’affrontement final, sont tout de même bien pratiques, puisqu’ils ne ciblent que les vaisseaux des rebelles et pas ceux du Dernier Ordre !

J’arrête avec ce dernier point le jeu de massacre, pour revenir sur quelques similarités des épisodes 5-6 et 9 (oui, je sais, j’avais dit que je ne le ferai pas, mais ça m’est revenu en écrivant) ; ce n’est pas pour blâmer, mais encore une fois pour mettre l’accent sur « l’approche Abrams », qui choisit la facilité au risque du décalque, là où on aurait pu espérer quelque chose de complétement nouveau :

  • les deux films se terminent par une bataille finale, que le héros / l’héroïne voit en affrontant l’empereur ;
  • la vision de Rey dans les ruines de l’étoile noire (la fameuse Dark Rey qui a fait couler tant d’encre numérique) répond à la la vision de Luke dans la grotte sur Dagobah (souvenez-vous : la tête de Luke dans le casque de Vador) ;
  • et au sacrifice d’Anakin précipitant l’empereur répond celui de Ben transférant son énergie vitale à Rey.
  • on pourrait même dire que cette 3ème trilogie raconte globalement la même histoire que la première : la chute et la rédemption d’Anakin pour l’une, de Ben pour l’autre. Faible est la volonté dans cette famille [13]

Allez, encore quelques lignes et j’en aurais fini avec Star Wars, au moins pour quelques années : ça m’a frappé pendant le film, mais j’ai la très nette impression que de nombreux éléments sont tirés directement des jeux vidéo ! Prenez par exemple les nouveaux pouvoirs de la Force : soin, drain de vie... jamais vus auparavant, si ce n’est dans les jeux. De même, j’ai lu que l’une des légions du Premier Ordre s’appelait la Troisième Légion Revan... Et d’où sortent les centaines de vaisseaux de Palpatine, si ce n’est de la Forge stellaire ?

Je ne voudrais pas laisser croire que je suis en train de descendre ce film : je l’ai apprécié malgré tous ses défauts, et j’ai vraiment passé un bon moment. Simplement, il me faut me rendre à l’évidence : Star Wars est une grosse machine commerciale [14], et le rachat de la licence par Disney n’a rien arrangé. Ce qui est sans doute le pire dans tout ça, c’est que je subodore que la fanbase toxique est très contente de s’être faite servir la même soupe, du moment que les femmes ne prennent pas trop de place et que l’on a ce pour quoi on a payé et surtout pas de surprises...  🙁

Pour le reste, je pense que les affreux n’auront pas gain de cause éternellement ; comme je l’ai déjà écrit, il n’est pas totalement exclu d’imaginer à l’avenir des épisodes sans jedi...


Je pose ça là parce que je ne savais pas où le mettre : voici qui sont les jedi du passé que l’on entend à la fin du film

P.S. du 06/01/2020 : je viens de tomber sur ce shaare de Tommy relayant un thread qui passe en revue les « passages que LucasFilms aurait modifié ou coupé dans StarWars IX, au grand désespoir et parfois dans le dos de J.J. Abrams »


[1Et je sens que je vais acheter le jeu Fallen order entre-temps histoire de patienter...

[2Wooooo pinaise je viens de comprendre un truc : le « festival des ancêtres » de la planète où les protagonistes retrouvent le vaisseau des parents de Rey a lieu tous les... 42 ans, soit l’intervalle de temps nous séparant de la sortie du premier film !

[3Au final, Les derniers Jedi est un film où les femmes tentent d’expliquer aux hommes que leurs actions ont des conséquences au-delà de leur propre point de vue de héros ; ce n’est pas qu’une question de féminisme, c’est une question de prendre la bonne décision pour le groupe, et non pas au nom de la quête d’héroïsme du « mâle alpha » (oui, je m’auto-quote, et alors ?)

[4ou Voldemort si vous préférez

[5Signe des temps : le message de l’empereur a bel et bien été diffusé avant la sortie du film, mais pas n’importe où : dans Fortnite...

[6justifiant in extremis le titre du film

[7ce qui donne l’occasion de montrer toute l’étendue du pouvoir du DeepFake dans une scène de combat entre Mark Hamill et Carrie Ficher... jeunes !

[8et c’est d’ailleurs cela qu’il voulait révéler à Rey dans les sables mouvants au début du film, et qu’il ne dira finalement pas de tout le film

[9si, si, ça existe !

[10de manière indirecte, certains pays ayant censuré ce passage...

[11c’est la 3ème occurrence de ce terme en un paragraphe, je suis donc très déçu²

[12ou lorsque c’est particulièrement commode pour le scénariste...

[13Remarque post-publication : cette trilogie est un combat de grands-pères par petits-enfants interposés : le petit-fils de Dark Vador contre la petite-fille de Palpatine. Et des parents défaillants au milieu !

[14non, je ne le découvre pas seulement aujourd’hui