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Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu, film raciste déguisé en comédie tolérante

mercredi 4 janvier 2017, par Sammy

Il faut que je vous dise : nous avons regardé Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu pendant les vacances de fin d’année. Merci les DVD de la bibliothèque. Il fallait que je me fasse ma propre opinion sur ce film. Et bien voilà : c’est pas drôle.

Je félicite pour leur clairvoyance certaines connaissances des internets qui avaient subodoré l’aspect nauséabond du film dès avant sa sortie. En-effet, j’espérais, naïf que j’étais alors, que ce film serait drôle, qu’il utiliserait les clichés racistes pour mieux les dénoncer et pour faire rire en faisant réfléchir. Avec le recul, je me trouve bien con. Ce film est un chapelet de clichés racistes du début à la fin.

Pensiez-vous que le film, après une première demi-heure d’avalanche de clichés, met en scène une sorte d’illumination du personnage principal (Clavier en vieux beauf réac de droite, un vrai rôle de composition) ? Pas du tout. Au lieu de ça, on a cette scène qui m’a scié, où les 3 gendres (pour rappel : le musulman, le chinois, le juif) expliquent au beau-père pas raciste mais « gaulliste », que c’est pas si grave tout ça, parce que « on est tous un peu racistes ». C’est grandiose, on dirait du Ploum dans ses grandes heures.

« On est tous un peu racistes » : tout est dit. Le racisme, c’est pas grave, parce que :

  1. c’est juste des clichés qu’on a, mais si tout le monde fait un effort, ça passe
  2. on est tous un peu racistes, regardez : les arabes se moquent des juifs, les juifs des chinois, les chinois des auvergnats... C’est comme ça, on y peu rien ma pauv’ dame.

Et ils en font des efforts ces gendres exogènes. Le musulman boit du vin, le chinois fait des tartes normandes, le juif est fauché. Ils ont tout pour faire des bons français. C’est juste dommage qu’ils aient ces gueules là. Ben oui, ils sont pas blancs, et ça c’est un vrai problème. Ils resteront toujours le feuj, le rebeu et le noich (j’ai pas compris ça non plus : c’est pour faire jeune ? On se la joue raciste décomplexé, mais on a encore un problème avec les mots « juif » et « arabe » ? Ou c’est juste pour pas dire « youpin » et « bougnoule » ?). Mais comme ils ont démontré leur frachouillo-compatibilité, la crise primaire du film est résolue, beau-papa fait un effort (dont l’hypocrisie n’est même pas cachée, on fait exprès un plan supplémentaire pour montrer comment ça le gonfle, le gaulliste, de faire semblant de respecter ces barbares qui jouent aux civilisés) et tout le monde est content. Mais ils resteront tout le temps « le juif », « l’arabe » et « le chinois ». Parce que bon. Ils n’avaient qu’à être blancs, zut.

Et c’est là qu’arrive le 4ème gendre. Il a un prénom « bien de chez nous » (Charles). Il est catholique. Il est comédien (« oh mais c’est pas grave ma chérie »). Et il est noir. Ah. Et le pire, c’est que toute sa famille est noire aussi. Le truc de ouf. Moi qui croyais que « noir » c’était un truc qui te tombait dessus à la naissance, comme « gaucher » ou « blond », mais que tu pouvais quand même avoir une famille normale.

Et le film de repartir dans une nouvelle boucle où il appert qu’avoir un gendre noir c’est encore pire que l’avoir arabe, juif ou chinois. J’ai un peu peur de comprendre pourquoi d’ailleurs : ce serait moins franchouillo-compatible ? Comme quoi, tout le blabla sur les « racines chrétiennes », la culture et tout ça c’est du pipeau. La seule chose qui dérange vraiment les cons, c’est la couleur de peau. Et du coup, on se moque allégrement des prétentions anti-colonialistes du beau-papa noir, (lui aussi gaulliste, mais désapprouvant la politique africaine du général. Tout un programme), qui n’est décrit que comme le double noir du personnage joué par Clavier : un gros con raciste. Mais qui fait du racisme anti-blancs. Eh oui, comme tout le monde est un peu raciste, tout ça s’annule joyeusement dans un salmigondis bien commode.

Bien commode parce que le message véhiculé par le film est immonde : le racisme n’est pas ce phénomène structurel, historique dont JE profite, mais juste une mauvaise habitude, un préjugé pas gentil qui s’envole autour d’une bonne table et d’une bonne bouteille. Bien évidemment, le film ne montre pas les effets réels du racisme, dans l’accès à l’emploi, aux études, au logement. (au contraire, il suggère l’inverse : le chinois est banquier, l’arabe avocat et le noir comédien, qui joue un rôle dans une pièce de Feydeau, on nous explique même que c’est « moderne », voyez comme on est tolérants). C’est pas « drôle » ça. Et c’est surtout trop loin des clichés auxquels on est habitués et dont on ne veut surtout pas se départir.

Une autre chose, à laquelle j’ai pensée post-visionnage : ce n’est pas anodin que les Verneuil aient 4 filles et 4 gendres. Ils auraient pu avoir 4 fils et 4 belles-filles « non blanches ». Ou 2 fils et 2 filles. Ou 3 et 1. Au lieu de ça, ils ont 4 filles. Quatre filles blanches enlevées à leur famille par des métèques. Ça sent bon le grand remplacement. Mais ce film n’est pas raciste voyons.

Désolé si je décousu et imprécis, la déconstruction des oppressions, ce n’est pas dans mes thèmes habituels, mais des fois c’est tellement gros, que même moi je le vois. C’est juste embêtant que quelques millions de personnes ne l’aient pas vu, le problème...