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J’ai mal à mon Sam Fisher

lundi 22 septembre 2014, par Sammy

Splinter Cell et moi, c’est une histoire qui commence à dater un peu. 10 ans déjà que j’ai rencontré l’agent Fisher ; je lui dois même mon pseudo [1]. Ce fut l’un des premiers jeux que j’avais réellement le sentiment de maîtriser. Je le possédais à fond, ainsi que les deux opus qui suivirent, Pandora Tomorrow et Chaos Theory. Je devins un contributeur actif du forum officiel, puis modérateur...

Tout cela appartient désormais au passé. Je ne suis plus modérateur. Je n’ai plus joué à Splinter Cell depuis un sacré bout de temps (hier soir mis à part, mais je vais y venir). J’ai oublié tous ces détails sur les passages les plus difficiles qui faisaient ma fierté. Je n’en ressens aucun regret, j’ai fait bien d’autres choses autrement plus importantes dans ma vie depuis l’époque de ces émotions vidéo-ludiques. Mais quand même, Splinter Cell, ça reste ma petite madeleine de joueur. Le premier jeu que j’ai vraiment aimé, avant Oblivion et avant Skyrim. Mais tout passe. Je n’ai jamais réussi à finir Splinter Cell : Double agent. Je n’ai pas acheté les épisodes suivant, Conviction et Black list lorsqu’ils sont sortis.

Jusqu’à ce qu’ils soient en solde sur Steam. J’ai alors cédé à l’appel de la petite madeleine : j’ai acheté toute la série. Et bien entendu, comme pour la plupart des jeux que l’on achète sur Steam, je n’y ai pas joué. J’ai attendu d’en avoir envie.

Hier soir, j’ai eu envie. Vous allez voir qu’il ne faut jamais chercher à retrouver son premier amour : on est toujours déçu.

J’ai mal à mon Sam Fisher. Ubi, Ubi, qu’as-tu donc fait ?

C’est quoi cette inscription obligatoire à Uplay pour pouvoir jouer ? Cet ignominieux flicage des joueurs pourrait être un article à lui seul, mais passons. La prise de tête pour tenter de récupérer mon pseudo fétiche, trouver un mot de passe accepté par le système, subir un plantage de ce machin bugué m’a juste fait perdre 20 minutes [2].

Le plus grave était encore à venir. C’est quoi ces flèches clignotantes qui indiquent où se mettre à couvert ? Tu crois que je ne suis pas capable de réfléchir tout seul ? C’est bien simple, le premier niveau, traditionnellement dévolu au tutoriel, se borne à glisser/rouler-bouler/sauter de zone en zone en tapant sur la barre d’espace. Malheureusement, ces lumignons fluorescents ne se limitent pas au premier niveau. Ils persistent tout au long du jeu. Peut-être n’y fait-on plus attention au bout d’un moment, mais moi, voir s’afficher « Espace pour actionner l’interrupteur », « A pour vous mettre à couvert » et « Espace pour grimper » à tout bout de champ, ça m’agace.

Ça m’agace pour deux raisons : parce que j’ai horreur que l’on me prenne pour un demeuré, mais si ce n’était que ça, ce serait encore acceptable. Mais surtout parce que cela est révélateur du manque de marge de manœuvre laissé au joueur : je ne peux me mettre à couvert que là où on me dit de le faire, je ne peux grimper que sur telle caisse et par sur telle autre. Je peux sauter par la fenêtre de la cuisine, mais pas par celle de la salle de bains.

Pire encore, l’itinéraire est balisé, avec un indicateur du nombre de mètres avant l’objectif. Avant les objectifs devrais-je dire, puisqu’un objectif secondaire comme « trouver une clé usb » est fléché de même. Aucune liberté n’est laissée au joueur, aucun plaisir de chercher une p¤*$ de clé usb : pas la peine, elle est encadrée de néons clignotants.

Plus globalement, c’est quoi cette interface ? La « roue de sélection » pour choisir entre létal et non-létal et/ou différentes pièces d’équipement, a visiblement été pensée pour les consoles uniquement. C’était sans doute trop difficile de conserver le système de Chaos theory : clic gauche : je tue, clic droit : j’assomme ? Clic gauche : tir principal, tir droit : gadgets ?

Et de s’accumuler les indices qui montrent que ce jeu n’a d’un Splinter Cell que le nom, et plus l’esprit : le système de jeu pousse le joueur à jouer « bourrin » et non pas infiltration ; la persistance du « mark & execute » est elle aussi un indice non négligeable de reniement des fondamentaux de la licence [3].

Cela mérite sans doute une petite explication pour les profanes. C’est un système mis en place depuis l’épisode Conviction, où Sam peut « marquer » plusieurs ennemis, et les « exécuter », juste en appuyant sur un bouton. Bref, du bourrinage. J’espérais que cette innovation douteuse, qui avait été la marque de Conviction (et avait fait partie des éléments qui m’avaient ôté l’envie de l’acheter) aurait disparue de Black list. J’avais tort.

Ce n’est plus du Splinter Cell. C’est du Jason Bourne [4] avec une barbe de trois jours.

Arrivé à ce stade, on se prend à espérer que l’équipement compensera les aspects désagréables. Ça commence mal : on est en plein dans la détestable tendance actuelle à la « customisation » : on débloque de nouvelles pièces d’équipement, de nouveaux gadgets, en fonction de son score au niveau précédent, voire, ce qui est encore pire, en jouant au multi. Et si je n’ai pas envie de jouer au multi, hein ?

Pour finir cette revue sommaire, j’avais envie de citer quelques détails putassiers. Eussent-ils été présent dans un Splinter Cell digne de ce nom qu’ils m’auraient quand même agacés. Ici, ils aggravent le cas d’un jeu qui n’en demandait pas tant. Pourquoi Grimsdottir est-elle devenue une bombe au chemisier prêt à exploser ? Ça apporte quoi ?

Pourquoi ce vague air de déjà vu au bout de quelques dizaines de minutes de jeu ? Pourquoi le décor de Paladin (le super avion de Sam) m’évoque t-il irrésistiblement le Normandy de Mass Effect ? Et ce ne sont que des détails notés à la va vite, pas une étude approfondie.

Parce que les gros titres de jeux sont devenus des blockbusters, et que l’on retrouve peu ou prou à chaque fois la même recette censée séduire le joueur de base : un héros badass, une femme purement décorative, de la technologie limite futuriste et un gameplay hyper-simplifié, pour être bien sûr de ratisser large... Voilà pourquoi Paladin a comme un arrière goût de Normandy, voilà pourquoi les infiltration dans la foule ressemblent furieusement à du Assassin’s creed. Et voilà comment on transforme ce qui était en 2002 une licence originale et novatrice, en quelque chose d’aussi creux et insipide que le premier Call of Duty venu...


Bonus : une critique de PC World ; ils sont un peu plus indulgents que moi, mais j’ai constaté avec plaisir qu’ils ont eu le même ressenti que moi sur pas mal de choses.


[1Et mon nom de domaine... Je n’ai décidément aucune imagination.

[2Et là où l’on touche le fond de la stupidité et de la lenteur, c’est que Uplay lance Steam qui lance le jeu...

[3il est tout de même désactivé si l’on choisit le mode « Perfectionniste »

[4Lisez donc les romans de Robert Ludlum, j’ai dévoré les 3 à la suite, c’est vraiment sympa