Intéressant article en ce qu'il renverse la perspective habituelle du "gentil" Emmaüs pour en faire un allié objectif de l'ordre et du pouvoir.
Éviter la conflictualité, chercher la paix sociale pour ne pas renverser l’ordre établi dans lequel les pauvres sont condamné-e-s à accepter les miettes concédées par une bourgeoisie en quête de supplément d’âme, c’est sur ce principe même qu’Emmaüs a été créé au début des années 1950 par l’abbé Pierre, qui fut également député du MRP (Mouvement républicain et populaire) en Meurthe-et-Moselle. Les médias ont toujours été discrets sur les réactions hyper réactionnaires du bon curé contre les grandes grèves de cheminots, mineurs et surtout de fonctionnaires dénoncé-e-s par lui comme des nanti-e-s, voire des fainéant-e-s, les opposant aux « vrais et bons pauvres », les sans-logis.
C'est tout à fait semblable à ce qui a déjà été dit sur Mère Teresa ici et ici (oui, c'est un peu deux fois la même chose, et alors ?).
J'ai appris des choses en lisant cet article. Qu'Emmaüs ait besoin des pauvres pour exister, c'est un peu la tarte à la crème de l'humanitaire, et ça ne m'avait pas trop dérangé jusqu'alors. Que cette évidence implique qu'il contribue à maintenir les pauvres "à leur place", c'est beaucoup plus dérangeant. On pourrait croire que c'est une vue de l'esprit, une pure spéculation théorique, mais l'article fournit des liens qui font froid dans le dos : Emmaüs fait appel à la police pour évacuer les "mauvais" pauvres (càd ceux qui ne lui rapportent rien et/ou qui troublent l'ordre public), Emmaüs est un bailleur de fonds pas plus "social" qu'un autre, en fait, il est comme tous les autres. Et comme employeur, il ne vaut pas beaucoup mieux.
Emmaüs n'est donc pas, et n'a jamais été, cette organisation disruptive, se dressant contre l'arbitraire et les puissants pour porter assistance aux pauvres. Cela vient en grande partie de sa conception catholique de la pauvreté, et s'est aggravé avec sa croissance, transformant les chiffonniers en entrepreneurs de l'humanitaire.
Dans le contexte, l'article relate un événement survenu lors d'une manif : les "casseurs" après s'être attaqués à une devanture de concessionnaire automobile, allaient s'en prendre, pour toutes les raisons évoquées plus haut, à la vitrine d'un magasin Emmaüs, quand une scission se fit dans le groupe, une partie de celui-ci empêchant l'autre de procéder, en formant une chaîne humaine pour protéger le magasin Emmaüs.
Cet événement est lui-même analysé dans cet autre article, qui justifie cette obstruction, non par miséricorde (LOL) envers Emmaüs, mais plutôt d'un point de vue stratégique, Emmaüs n'étant pas "une institution suffisamment identifiable pour un ciblage minimalement consensuel" ce qui veut dire que, les gens aimant bien Emmaüs, ils s'offusqueraient de voir sa boutique saccagée par des "méchants casseurs qui ne respectent rien". Au lieu de ça, épargner Emmaüs permet de "fissurer d’autant plus le rejet de la violence de riposte en rendant intelligible la casse de banques".
Articles qui donnent à réfléchir hein ?
via des shaarlistes qui ont relayés le premier article et via Yvain qui a relayé le second.
Pompons sans vergogne Wikipédia les amis : "Emmabuntüs est une distribution Linux dérivée d'Ubuntu construite pour reconditionner des ordinateurs donnés aux Communautés Emmaüs." Tout est dit, non ?