À l’école, je n’ai pas assez bien appris le sujet. » Voilà comment Thomas Sotto, présentateur de la matinale de RTL, a justifié sa surprise lorsque le journaliste Jean-Michel Aphatie a évoqué les « massacres » de la colonisation française en Algérie, suscitant une intense campagne de haine et des commentaires nostalgiques ou racistes dans les médias d’extrême droite.
Cette polémique est un révélateur. Beaucoup de Françaises et de Français ne connaissent pas forcément la litanie de razzias et de massacres qui ont accompagné la conquête de l’Algérie à partir de 1830. Et ce paradoxe : nombre de généraux et de militaires qui ont mené ces opérations ont aujourd’hui encore des avenues et des statues à leur nom dans certaines villes françaises.
Parce que je sais que ça vous passionne, voilà ce qu'Apathie avait dit sur RTL en février :
Chaque année, en France, on commémore ce qui s’est passé à Oradour-sur-Glane, c’est-à-dire le massacre de tout un village. Mais on en a fait des centaines, nous, en Algérie. Est-ce qu’on en a conscience ?"
Je n'ai pas spécialement de sympathie pour Apathie, mais sur ce coup, il a raison. Et Sotto, même s'il a la décence de prendre des précautions oratoires ("j'y connais rien mais je vais quand même ouvrir ma gueule"), a tort.
Je cite le premier commentaire du fil Reddit, parce qu'il me semble qu'il a tout dit :
L'Histoire c'est les Nazis qui ont massacré des civils dans le village d'Oradour, en les fusillant et en les cramant dans une église. L'Histoire c'est les colons français qui ont massacré les populations algériennes notamment en les asphyxiant dans une grotte dans le but explicite de les tuer.
Mais la Mémoire n'a retenu qu'Oradour sur Glane, symbole de la barbarie Nazie, qui n'est même pas le seul exemple mais qui est le seul qu'on retient et qu'on enseigne à l'école. Et la barbarie des colons en Algérie c'est silence radio.
Donc quand Thomas Sotto dit "j'y connais rien mais quand même, comparer ça aux Nazis c'est un peu excessif" ça illustre parfaitement notre manque de mémoire sur l'Histoire de l'Algérie et la "sacralisation" (c'est pas le bon terme, je sais pas comment dire autrement) de l'horreur Nazie à Oradour qui rend insupportable toute comparaison avec des faits historiques pourtant comparables dans les actes et l'horreur.
La colonisation, dans sa globalité, ça a été une suite de massacres. La conquête de l'Algérie, ça ne s'est pas fait dans l’allégresse. Les décolonisations, ça s'est fait dans le sang. Avec, en Algérie, l'emploi de gaz, ce que la France, aujourd'hui encore, se refuse à admettre publiquement (même si c'est désormais, et au moins depuis une enquête de XXI il y a 3-4 ans, un secret de polichinelle). Et entre les deux, on aura traité les "autochtones" comme des esclaves. Lisez au moins "Terre d'ébène" d'Albert Londres, tiens, pour voir les bienfaits de la colonisation à l’œuvre. Ou lisez "Congo, une histoire" de David Van Reybrouck, si vous voulez taper sur les belges aussi.
Ce n'est jamais bon d'instrumentaliser l'Histoire, dans n'importe quel sens. Il faut prendre les faits comme ils sont, tan t pis si ça écorne le "roman national".
À l’époque, certes, il y eut un consensus : si elle avait pour objectif d’enrayer la trypanosomiase à l’échelle de la population, la vaccination à la Lomidine protégeait aussi l’individu vacciné. Pourtant, les Européens installés sur le sol africain échappèrent à cette logique. Non seulement la vaccination – que l’on savait risquée et douloureuse – ne leur était pas imposée, mais son administration était étudiée au cas par cas, en vertu d’un calcul risque/bénéfice qui n’était pas soumis au critère du collectif. L’Européen ne faisant pas partie de la masse, la prophylaxie n’était généralement pas indiquée pour lui. Ce n’était que lorsqu’il tombait malade qu’il était traité à la Lomidine. À deux objets différents – masse et individu – correspondent donc deux modes d’intervention distincts : la prévention ou la thérapie.
La médecine de masse était également une médecine racialisée : c’est en tant qu’« africain » que l’individu est de facto exclu du champ du regard médical. C’est à la lumière d’une telle exclusion qu’il faut comprendre le peu d’importance accordée à la question des effets, bénéfiques ou néfastes, de la lomidinisation préventive sur l’individu. C’est par une telle exclusion qu’arriva le scandale.
«Nous devrions nous autoflageller, regretter la colonisation, je ne sais quoi encore !» Invité dimanche du 20 heures de TF1, Jean Castex a prononcé ces mots alors qu’il dénonçait «les justifications (face) à (l')islamisme radical», et appelait au «combat idéologique» pour gagner la «guerre». Si elle s’inscrit dans la pure tradition des croisades de la droite et de l’extrême droite contre toute forme de «repentance», cette affirmation apparaît pour le moins surprenante dans la bouche d’un Premier ministre dont le président, lorsqu’il était candidat à l’Elysée, avait qualifié la colonisation de «vraie barbarie» et même de «crime contre l’humanité».
Je vois que les vacances ont été profitables à l'extrême-droite.
Laurence de Cock réagit aux propos opportunistes de Macron qualifiant la colonisation de "crime contre l"humanité" (après avoir dit exactement l'inverse 10 jours plus tôt, chapeau l'artiste).
Maintenant l'Algérie puisque apparemment Macron parle de cette colonisation là. Les historiens [Gilbert] Meynier et [Claude] Liauzu évoquent près d'un million de tués en un siècle (conquête et famines dans le sud). Cela fait 1/3 de la population. Avec des massacres collectifs, enfumades (villageois bloqués dans des grottes), confiscation de terres, etc.
Tout cela est bien connu. On peut parler de massacres de masse mais la qualification de "crime contre l'humanité" est inappropriée ici... En tout cas dans sa dimension juridique car c'est la seule définition qu'on lui connaît définie à Nuremberg. Peut être un jour cela sera plaidé mais pour le moment ce n'est pas le cas.
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Le candidat d'En marche! vise selon elle une double cible : "C'est un bras tendu à l'Algérie, qui réclame ça depuis longtemps… La mémoire coloniale est un outil diplomatique. Et une main tendue aux jeunes des quartiers, dans un moment fébrile."