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Et quand je ne joue pas, j’enquête sur Henri Pick avec Fabrice Luchini

jeudi 14 mars 2024, par Sammy

Hier soir, nous avons regardé Le mystère Henri Pick, sur La médiathèque numérique, plateforme déjà évoquée à propos des vieux fourneaux. Généralement, j’évite de regarder un film avant d’avoir lu le livre dont il est tiré, mais voilà, je ne savais pas qu’il s’agissait à l’origine d’un roman de David Foenkinos.

L’histoire est assez simple : Jean-Michel Rouche (Fabrice Luchini), un critique littéraire (alter-ego de Bernard Pivot) déclare que Henri Pick, pizzaïolo breton malencontreusement décédé et ne pouvant donc pas se défendre, n’est pas l’auteur du livre à succès que tout le monde s’arrache, et qu’il s’agit d’une supercherie. Scandale subséquent. Licenciement. Sa femme le quitte. Interrogations sur qui aura la garde des livres. En attendant il couche au Bristol. Le pauvre malheureux. Évidemment, tout ça n’est pas de la faute du pizzaïolo breton, on a déjà compris que le personnage est amer, imbuvable, aigri. L’affaire Henri Pick va tout faire exploser et va paradoxalement le rendre à lui-même, lui redonner un entrain et une énergie qu’il avait perdus ; on retrouve ce schéma rupture et liberté retrouvée dans Les femmes du 6ème étage par exemple.

Et c’est vrai qu’elle est un peu trop belle cette histoire : le manuscrit découvert par hasard par une jeune éditrice dans « la bibliothèque des livres refusés », annexe d’une petite bibliothèque d’un village du Finistère, projet un peu loufoque visant à recueillir les manuscrits refusés par les éditeurs, la certitude d’avoir déniché un chef d’œuvre, la publication, le succès, l’histoire de l’obscur pizzaïolo décédé sans jamais avoir écrit autre choses que des listes de courses...

Oui ben on a retrouvé la liste de courses de Proust et ça a de la gueule.

Seul contre tous -au début, mais bientôt accompagné par la fille d’Henri Pick- Jean-Michel Rouche va mener l’enquête, entre Paris et la Bretagne, bien décidé à mettre un nom, le vrai, en haut de la page de titre. On pense évidemment à Romain Gary tout au long de cette enquête littéraire très plaisante, où l’on accompagne le duo de fausse piste en rebondissement, jusqu’à la révélation finale.

C’est très agréable un film qui parle de livres, et une enquête qui porte sur autre chose qu’un meurtre, avec par exemple une femme coupée en morceaux, mais où est passé le fémur, et où étiez vous dans la nuit du 7 au 8, et quand avez-vous acheté ce couteau électrique s’il vous plait ? Ici, les supputations portent plutôt sur l’empattement effacé d’un K, la syntaxe du regretté M. Pick et la genèse d’un manuscrit [1]

Les dialogues du duo sont excellents, toujours vifs mais jamais méchants, véritables ping-pong verbal où l’on voit bien que les deux acteurs (Camille Cottin dans le rôle de la fille de Pick [2], formidable de justesse) s’amusent beaucoup.

Et bien sûr Luchini. J’aime mieux Luchini maintenant qu’il est vieux que Luchini jeune. Bien sûr, il fait toujours du Luchini, mais il donne mois cette impression de surjouer son propre personnage [3] ; il est plus sobre, je dirais peut-être plus apaisé. Lui aussi. Cela va sans dire que pour cet amoureux des livres et de la littérature, c’était un rôle sur mesure.

Il y a deux choses que j’aime beaucoup : les livres qui donnent envie d’en lire d’autres, et les films qui donnent envie de lire des livres. J’ai donc naturellement beaucoup aimé ce film.


[1d’ailleurs ça m’a gêné pendant tout le film de parler d’un « manuscrit » pour un texte tapé à la machine #chieur

[2il y aurait d’ailleurs un article à écrire sur les différences d’âges entre les premiers rôles masculins et féminins dans les films, et la différence entre l’âge supposé du personnage et l’âge réel de l’acteur, et comment cet écart est réparti entre les femmes et les hommes... mais passons

[3quand il ar-ti-culait-en-dé-ta-chant-chaque-syllaaaabe, c’est bon, vous l’entendez ?